SOCIETE ANONYME AMIANTE DE CORSE -----------CARRIERE ET USINE DE CANARI

Communes de Canari et d’Ogliastro, département de Haute-Corse, carrière d’amiante et usine de préparation de produit minéral (chrysotile), (1927-1965).

Localisation :

- Carte IGN 1/25 000e, Cap-Corse 4347 OT.

Historique :

L’exploitation de l’amiante est ancienne en Corse, comme en témoignent les poteries de cuisson exposées au Musée de la Corse, et des tessons à base d’amiante retrouvés dans des fouilles archéologiques du bas Moyen-Age. Des sites de production traditionnelle existent depuis de nombreux siècles sur les versants du mont San-Pedrone, en Castagniccia. La mise en valeur industrielle de cette substance est déjà active au milieu du 19ème siècle. Un article intitulé “Une excursion à la montagne d’amiante en Corse” rédigé par l’ingénieur Hippolyte Ferry et publié dans le Journal des mines en 1878, fait la description d’un site de la vallée du Fiumalto. D’après ce témoignage, l’amiante apparaît de bonne qualité et en abondance. Les années suivantes des exportations pour essais sont réalisées. A la fin du 19e siècle et au début du siècle suivant, les prospections dans toute la Corse schisteuse se multiplient et de nombreuses carrières sont mises en activité. 

Au début du 20ème siècle, le rapport de l’ingénieur Orcel détaille quelques sites d’exploitation, dont celui de Pietra-Mala, au Sud de Sant’Andrea-di-Cotone qui aurait fourni entre 1887 et 1891 quelques centaines de tonnes de fibre. En 1904, le propriétaire de la carrière est Copillet de Noyon (Oise), mais il abandonne l’exploitation l’année suivante. A cette date, les gisements du mont San-Pedrone sont régulièrement exploités, en plusieurs petites carrières situées le long de la ligne de crête Nord-Sud, entre le col de Prato et le col d’Orezza, sur les communes de Campana, Piedicroce et Pied’Orezza. En 1924, la Société des Carrières Corses d’Amiante met en valeur les sites de La Porta et de Rutali. Elle produit 16 tonnes d’amiante avec 17 ouvriers, et installe dans le village de La Porta un atelier de concassage et de broyage à sec. 

Dans les années 1920 les utilisations de l’amiante sont encore “traditionnelles” : poterie de cuisson, tissus incombustible, mèche de lampes à huile, etc. Mais déjà des expériences menées aux Etats-Unis, mêlent la fibre au mortier, pour lui conférer des propriétés nouvelles et recevoir des applications spéciales (flocage, isolation thermique et acoustique). Ces expériences ouvrent au produit de grandes perspectives. Une société The Italo-English Pure Asbestos Company Limited” établie à Londres et à Turin, spécialisée dans des produits à base d’amiante, tels que les bourrages pour presse, les étoupes, cartons et papiers, s’intéresse aux gisements insulaires. Plusieurs échantillons adressés au directeur de cette entreprise, sont estimés de meilleure qualité que l’amiante des Alpes italiennes. Mais le coût d’exploitation et de transport établit un prix de l’amiante insulaire à 65 francs les 100 kilogrammes rendus à Gênes, alors que l’amiante italienne est livrée à Turin pour 30.

 

Concernant le site de Canari, c’est en 1898 que Antoine Lonbardi, forgeron à Canari, découvre un filon d’amiante qui parait assez important. Pendant plusieurs années il fait du troc avec un géologue belge, contre du charbon de forge. En 1925, la société Eternit envoie un géologue pour étudier les gisements insulaires. Il prospecte de nombreux sites, mais c’est le gisement de Canari qui attire son attention. Les premiers essais débutent en 1927 avec la construction d’une petite usine pilote (employant 30 personnes) qui produit 146 tonnes d’amiante en 1929. L’atelier est arrêté en octobre 1930. Malgré l’arrêt, la société Eternit se réserve, auprès de la municipalité, la concession du gisement de Canari.

Au moment de la déclaration de guerre la société Eternit reprend l’exploitation et construit une petite unité de production, en activité jusqu’en 1947. En 1945 la Société Minière de l’Amiante est constituée par quelques-unes des principales sociétés consommatrices d’amiante. Cette initiative allait permettre au pays de s’affranchir d’une partie de ses besoins importés du Canada. 

On estimait en 1949 les besoins français en amiante à 30 000 tonnes par an, avec des perspectives croissantes. L’usine de Canari devrait permettre de couvrir 20 % de ces besoins et près de 50% après son installation complète. En 1954, un peu plus d’un million et demi de tonnes d’amiantes sont extraites dans le monde, dont plus de 900 000 tonnes par le Canada, 500 000 à part égale par la Russie et l’Amérique du Sud, 50 000 tonnes par les Etats-Unis, 30 000 par l’Italie et 12 000 par la France provenant essentiellement du gisement du Cap Corse.

A Canari, la mise en chantier de la première partie de l’usine dite 6 000 tonnes est commencée en mars 1948, la mise en service intervient en juin 1949, puis débute la deuxième tranche de travaux permettant de doubler les capacités de l’établissement. Les analyses en laboratoire révèlent une teneur moyenne en amiante estimée à 3%. Le mineral se présente sous la forme de fibres blanchies verdâtres ou blanches, appelée amiante serpentine ou chrysotile, car encaissée dans de la roche serpentineuse. 

Au début des années 1950 près de 170 hommes travaillent à la mine et à l’usine de Canari dont : 34 à l’extraction, 8 au broyage, 57 au traitement, 60 aux services généraux et 11 aux bureaux de direction. Avec l’augmentation de la production, ils seront près de 300 dans les années 1950.

La production d’environ 6 000 tonnes au début des années 1950, progresse rapidement jusqu’à 12 000 tonnes en 1954, après l’installation de la deuxième partie de l’usine, puis plus de 18 000 tonnes en 1958 et près de 30 000 tonnes en 1961. A ces chiffres il convient d’ajouter les 3 à 6 000 tonnes de poudres et de fibrettes commercialisées pour des produits dérivés. 

A partir de 1963, le problème de la pollution est soulevé, employés malades, poussières importantes dans les environs immédiats de l’usine, dégradation environnementale. A cela s’ajoutait l’épuisement du gisement. La viabilité de l’exploitation nécessitait la mise en valeur du gisement d’Olmeta-du-Cap-Corse, ce qui demandait un important investissement. Il fallait mettre en place un chemin de fer pour ouvrir le gisement d’Olmeta-du-Cap-Corse, et réaliser d’importants travaux pour mettre l’usine en conformité avec la nouvelle législation. Pour réaliser ces objectifs, le conseil d’administration demande une participation de l’Etat à hauteur de 600 000 F, qui sera refusée. Par ailleurs, la baisse du cours de la fibre, entraîne la décision d’une fermeture, elle à lieu le 12 juin 1965 à 10 heures.

Description:

Le site Canari est implanté sur un versant orienté Ouest à fort dénivelé, au-dessus de la route départementale 80 et de la mer Méditerranée, entre 15 et 600 mètres d’altitude. Le bâtiment principal occupe dans sa totalité environ 4 500 m2, construit en béton armé. L’usine de traitement est installée sur le bord de la route, accolé dans sa partie haute se trouve le silo 10 000 tonnes, surplombé par le poste de concassage. A cette hauteur a été disposé le transformateur électrique (ligne de 30 000 V venant de la centrale thermique de Lucciana) qui alimente les 250 moteurs (puissance de 2 000 kW), et les deux galeries de roulage circulaires équipées de rails qui permettaient d’acheminer la roche vers les concasseurs. Les deux galeries de roulage situées à 155 mètres d’altitude, recoupent les deux sorties de puits (un par entonnoir), dont l’origine est à 250 mètres environ de la base des deux entonnoirs de la carrière. La partie haute de l’exploitation est occupée par la carrière.

L’extraction par coups de mines a lieu à partir de deux carrières exploitées en gradins de forme conique. La roche abattue tombe directement au fond des cônes par les deux puits de 120 mètres de hauteur, pour rejoindre les deux galeries où elle est chargée au moyen d’un dispositif automatique à air comprimé, dans des wagons tractés par une locomotive diesel, et emmenée jusqu’à l’usine. Elle passe alors par une série de broyeurs (culbuteur, concasseur primaire à mâchoires, crible et concasseurs secondaires et tertiaires giratoires) avant d’être entreposée dans le silo 10 000 tonnes (constituant une réserve pour alimenter les machine même en cas de difficultés d’extraction en carrière ou de problèmes mécaniques sur les broyeurs). La matière première est ensuite conduit dans les fours de dessiccation destinés à la sécher et à la fissurer (ce qui permet d’accéder au minéral), puis vers les “tables canadiennes”. Ces appareils, constitué de tables vibrantes surmontées de gros aspirateurs, sont destinés à séparer la fibre et la roche. L’opération consiste à prélever par succion les fibres et rejeter le stérile à la mer. L’amiante passe enfin dans le cyclone, cuve à tamis vibrants pour nettoyage et épuration, avant d’être ensaché. Les sacs de jute sont transportés jusqu’à Bastia par des camions et exportés par bateau sur le continent. 

L’étude du BRGM réalisée en 1977 évalue la production totale du site de Canari à environ 300 000 tonnes de fibres extraites entre 1947 et 1965. 

( Merci à Pierre-Jean Campothiers.)